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    Nissyros la sulfureuse - 1

    Me revoilà après plus d’un mois de quasi absence (malgré quelques courts papiers aussi vite écrits, aussi vite diffusés, aussi vite jetés).

    Bon. La rentrée 2013 s’annonce chargée – ce ne sont pas les événements qui vont manquer – non seulement on le sent, mais on le sait d’ores & déjà...

    Aussi, afin de me conformer à l’usage qui veut qu’été rime avec vacances et relâche (il sera toujours temps en septembre de se frotter à nouveau à la dure réalité de notre condition), je vous propose un petit détour ensoleillé et léger sur une petite île grecque – mais à la sauce Obus Epicé, c.-à-d. du genre gratte-cul.

    ***

    Cette île, c’est Nissyros. Je la prends comme une maquette de la Grèce, avec ses charmes et ses travers (désolé si ça risque de grincer dans les chaumières hellènes...)

    Nissyros, donc.

    Nissyros 1Imaginez un caillou de 8 km de diamètre dont la moitié est une caldera aussi fumeuse que fameuse. Nissyros fait pourtant partie de ces rares îles grecques boudées par les touristes, et pour cause. La belle endormie, bien planquée (à côté de Rhodes et de la Turquie, dans le Dodé- canèseles douze îles), ne se donne pas comme ça. Elle se mérite et c’est peu de le dire ! 15 heures de ferry depuis Athènes, simplement pour lui toucher le menton ; une fois sur place, c’est véhicule obli- gatoire et zigzags perma- nents pour caresser ses charmes sauvages – lesquels sont nombreux.

    Mais le mieux pour vous en parler, c’est de laisser deux personnages en discuter librement : Phillène qui voit le verre de raki à moitié plein et Misellas qui le voit à moitié vide. A chacun son tempérament...

    Nissyros 1

    Phillène : – C’est pas du dépaysement, ça ? Non mais regarde-moi ce paysage : on se croirait au Mexique !

    Misellas : – Mouais... Pas le plus petit nuage dans le ciel pour donner de l’ombre et pas un seul troquet à des km à la ronde pour se désaltérer...

    Phillène : – Ronchon ! C’est magnifique tu veux dire ; cette route qui longe la mer sur la côte est ! Tu t’arrêtes où tu veux pour te baigner ; quant à tes sacrés bars, vu la taille de Nissyros, c’est pas un problème : t’en as dans tous les patelins, et même à l’entrée de Pachia, la plage des « free campers ». Alors de quoi tu te plains ?

    Misellas : – Sauf dans le sud et l’ouest de l’île. Même pas une route goudronnée pour y accéder ; après le cratère et le haut village de Nikia, c’est le désert assuré !

    – En moto ou en 4X4, tout est possible, enfin presque... Et puis quoi, c’est ce qui fait son attrait, cette nature sauvage préservée ! Rappelle-toi, quand on est allé visiter le volcan et qu’on est descendu dans un des cratères ; quelle impression fabuleuse ! On se sentait tout petit, écrasé par les forces telluriques !

    Nissyros 1

     Deux petits points noirs dans le fond à droite : Phillène et Misellas...

    – Parlons-en, tiens ! Le sol qui te brûle les godasses et risque de se dérober sous tes pas à tout moment... Et puis cette haleine fétide, cette chaleur infernale, aux relents méphistophéliques !

    – T’exagères : seulement dans le volcan...

    – Pour l’odeur, je reconnais ; c’est seulement dans les cratères hydrothermaux. Mais y a qu’à voir dans quel état les 80 % d’humidité sulfurique que contient l’air ambiant de l’île ont rongé le métal de ma montre en à peine un mois de séjour ! Quant au bracelet, il  a été réduit en charpie – tout comme ma besace de plage... D’ailleurs, t’as vu la gueule des motocyclettes ici ? Toutes rouillées. C’est dire !

    Nissyros 1

     Ma montre après un mois de séjour à Nissyros...

    – On peut pas tout avoir ! T’oublies un peu vite que c’est grâce aux nombreuses sources chaudes sulfureuses que t’as pu apprécier les bains à Loutra, l’établissement thermal où on crèche. Avoue en plus que cet hôtel distille un charme désuet...

    Nissyros 1– Des cellules monacales avec toilettes communes sur le palier.

    – Un vaste corridor et un escalier en bois...

    – < Qui n’aboutit nulle part.

    – Justement. Je trouve ça d’une beauté irréelle...

    – Comme l’immeuble de béton en ruine à l’entrée de l’hôtel ?

    – Arrête un peu. Pour moins de 20 €, tu t’attendais à quoi ? A la clim’ peut-être ?

    – Non, c’est vrai. Mais il y a un truc dans ma chambre qui m’a laissé pantois à propos du sens esthétique des Grecs et de leur façon de travailler. J’avais remarqué depuis belle lurette qu’ils n’étaient pas des foudres de labeur mais plutôt des adeptes du moindre effort. Je m’explique : tous les ans, ils repeignent leurs boiseries... mais sans gratter l’ancienne couche. Ils se contentent d’en rajouter une, sans se soucier des bavures qui débordent. Déjà emblématique en soi. Mais le pompon, c’est sur la porte de ma piaule que je l’ai trouvé : sous la couche de peinture, j’ai remarqué les traces d’un poster et des quatre morceaux d’adhésif qui le maintiennent. J’en suis resté comme deux ronds de flan : figure-toi que ces feignasses n’avaient même pas détaché l’affichette avant de passer le pinceau. Ils avaient repeint par-dessus ! C’est quand même pas la mer à boire de décoller quatre malheureux bouts de scotch, non ? Pour eux, faut croire que oui. Alors, qu’en penses-tu ?

    – Tu l’as dit. Ils sont minimalistes. Cette philosophie de vie est tout aussi honorable que ton perfectionnisme à la noix.

     A suivre...

    > Voir aussi Nisyros en images / rubrique « Divers »

     

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