• Nissyros 2

    Suite du dialogue « Nissyros la sulfureuse – 1 »

    Phillène et Misellas débattent de la nourriture grecque

    Phillène : – Aaah... Je me suis régalé au Balcon d’Emborios : leur skordalia est la meilleure que je connaisse, sans parler de leurs beignets de fleur d’aubergine et de leur plat du jour : de la moussaka fraîche ! Un régal comme toujours, augmenté par cette vue imprenable sur le cratère...

    Nissyros 2

    Vue depuis Balconi sur le cratère Stephanos - tout au loin, au bout de la route.
    (voir aussi la photo de l’article précédent pour prendre la mesure de ses dimensions)

    Misellas : Mmm... Un vrai festin... Dommage que pour les boissons, on n’ait jamais le choix qu’entre leur sempiternel raki qui arrache la langue et leur mauvais blanc servi chambré, limite chaud...

    Phillène : – Tu préfères leur vin rouge, voire leur retsina ?

    Misellas : Beurk ! Une insulte à Dionysos ! Pour avoir du vin correct, faut y mettre le prix... à condition qu’ils en aient en réserve ; de toute façon avec cette chaleur, vaut mieux oublier...

    – C’est pourtant ce rouge correct qu’on a offert à nos convives pour accompagner notre bœuf bourguignon quand on a organisé à Loutra cette fameuse soirée « Dîner à la française ». Quelle galère, tu te souviens, rien que pour trouver de la viande de bœuf adaptée ?

    De la carne tu veux dire ! Heureusement qu’on l’avait fait mariner deux jours durant dans du (bon) vin rouge avec moult épices. Tout ça pour avoir en fin de compte l’impression de donner de la confiture aux cochons... Non mais sans blague ! Tu te verrais toi, mélanger ton assiette de bœuf bourguignon avec ton entrée poireaux vinaigrette, en buvant par-dessus un blanc infect alors que la table est fournie en rouge de qualité ? En plus on avait dit : « tenue de soirée souhaitée » et dressé nappe blanche avec couverts de circonstance pour marquer le coup. Seuls quelques rares athéniens eurent la pertinence de soumettre leur bonne éducation à notre joli rituel d’échange culinaire. Des autres ? Ils étaient en mode plouc version Diogène du dimanche !

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    « Cuisiner, c’est goûter »
    (Caricature offerte à l’excellente cuisinière de Loutra)

    – Oh ! Comme tu y vas... Un peu d’indulgence ; ils ne connaissaient pas.

    Et alors ? C’est une raison pour ne pas apprendre en goûtant ? On le fait pas, nous, à leur contact ? On ne respecte pas leurs us & coutumes peut-être ? Hein ?

    – Si si. Mais...

    Y a pas de mêêêê qui tienne. C’est vrai que leurs plats à base de chèvre et de légumes frais du coin sont délicieux, car le terroir fait tout. Mais, merde ! On bouffe toujours la même chose partout, dans toutes leurs gargotes. Pas de desserts, de pâtisseries, de pain ou de vins dignes de ce nom, et un service réduit au minimum d’un self de cantine... Y a qu’à voir comment ils te présentent le poisson : un vrai parcours du combattant pour te débarrasser des arêtes avant, pendant et après la mastication. Un poisson souvent fade ou sec qu’ils rehaussent de citron. D’ailleurs, la seule sauce qu’ils connaissent et... qu’ils mettent à toutes les sauces justement, c’est le citron. Sur la viandoche comme sur la poiscaille, quelles qu’elles soient – du citron, encore du citron, toujours du citron ! Aucune originalité culinaire. Si c’est ça, le régime crétois...

    – Ainsi, on ne grossit pas, si l’on ne maigrit...

    C’est sûr. M’étonne pas qu’ils bouffent à pas d’heure, à tout bout de champ, tout le temps et en prenant le temps. Par contre, ça, j’aime bien : leur sens culturel de la table, centre de tous les échanges. On a trop tendance à l’oublier de par nos cités pressées et stressées.

    – Enfin un bon point de ta part ! Mon Dieu, serais-tu malade de trop d’aigreur ?

    Grrr... J’admets qu’il y a parfois du bon dans la tradition – quand elle n’enraye pas les esprits.

    – Il me semble pourtant que tu raffoles de leur kebab, non ?

    Si j’en raffole – comme tu dis – c’est au même titre qu’un hamburger, ni plus, ni moins. C’est la « junk food » qu’on trouve tout autour de la Méditerranée orientale. Ce n’est donc pas typiquement grec. De toute façon, leur bouffe – comme tout le reste – porte depuis longtemps la marque turque. D’ailleurs, un dirigeant de Kourtakis m’a dit un jour que les Grecs étaient des Italiens déguisés en Turcs.

    – Ca peut se comprendre : le pays hellène a subi la domination ottomane des siècles durant. Ils ont par conséquent de bonnes excuses. Je te rappelle que nous autres gaulois avons embrassé la culture latine sans scrupules ni vergogne !

    Trop facile ! Cite-moi un plat romain toujours en vigueur chez nous.

    – ...

    Alors, j’attends...

    – Oh et puis merde ! Trinquons pour nous réconcilier : yamas !

    C’est ça : yamas !

    Phillène et Misellas lèvent leurs verres de raki coupé à l’eau et crient le « santé » grec.

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    Raki & fevga : le couplet gagnant des bars grecs.

    Misellas : à ce propos, t’as remarqué que nos charmants hôtes pratiquent le « yamas » toutes les cinq minutes, sans raison, de façon atone, quasi automatique, sans même se regarder. Comme si seule une sorte de dépit las commandait leur geste : boire Raki et mourir...

    Phillène :(Soupir...)

    A suivre...

    > Voir aussi Nisyros en images / rubrique « Divers »

     

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